Nepal, du 17/09 au 3/11/2013

Le mardi  17 septembre, je rencontre Hervé, fondateur et représentant de l'association Pomme Cannelle au Népal. Troisieme de nos 4 structures partenaires à l’étranger, nous discutons ensemble des modalités de mon intervention. Suite à une brève introduction sur la problématique des enfants des rues dans le pays, nous abordons les différents programmes mis en œuvre par APC (Association for the Protection of Children, organisme népalais financé en partie par Pomme Cannelle).Nous décidons de mon affectation pour le mois à venir : la section "drop in" du foyer Kalimati situé dans le centre de Katmandou.   


Les jeunes de la rue a Katmandou...

 

On compte environ 2000 enfants dans les rues de la capitale. Ceux-ci viennent principalement des districts alentours et ont quitté leur village natal suite à un événement traumatisant ou tout simplement en quête d'un avenir meilleur. Une fois sur place, « l'eldorado » se révèle rapidement bien en dessous de leurs espérance et le retour à la réalité est brutal et sans pitié. L'urbanisation galopante, l'instabilité économique, la désintégration de la cellule familiale, la violence domestique, souvent associée à l'alcoolisme, les dégâts causés par une situation politique instable, contribuent également chaque jour à augmenter le nombre de ces jeunes dans l’espace public. 


Le processus d'accompagnement


Le "drop in" accueille des jeunes de 9 a 17 ans. C'est la première étape après la rue. La possibilité de se voir offrir gratuitement un toit et un dal bhat (plat local à base de riz et lentilles) et de quitter, ne serait-ce que pour une nuit, l'imprévisibilité et la dureté de la vie sur les trottoirs de la capitale. Basé sur un principe de libre adhésion, les jeunes peuvent aller et venir comme ils veulent, les portes ne fermant seulement qu'à 22h. L'objectif principal étant de permettre une resocialisation en douceur de ces enfants en rupture, les règles sont souples et ils sont entièrement libres de choisir un toit ou la rue. . Beaucoup d'enfants n'y font que de brefs passages occasionnels préférant, la plupart du temps, dormir dehors avec leur bande.


Les enfants qui viennent régulièrement dormir au refuge ont, en général une "intention" de quitter le milieu de la rue et sont rapidement (après environ 3 semaines ) dirigés vers la structure de transit.


Celle-ci après évaluation de leur situation et une période de resocialisation plus ou moins longue, proposera une orientation adaptée et choisie : retour dans la famille, scolarisation, formation professionnelle.


  • Regard d'éducateur spécialisé

Un mois dans une telle organisation représente peu de temps et un investissement total est nécessaire afin de créer au plus vite un premier lien avec les enfants. Là encore, la langue représente dans un premier temps une barrière importante, un frein considérable à une communication essentielle. Je passe donc mes premières soirées plongées dans des cours de népalais afin d'apprendre quelques phrases clés et ainsi, faciliter le contact avec les jeunes.           
 
La liberté de mouvement dont ils disposent ne facilite pas la mise en place d'activité quotidienne. Je dois adapter mes interventions à leur présence, être le plus ouvert et disponible possible lorsqu'ils se trouvent au centre. En effet, en l'absence quasi exclusive de temps "formels", un travail d'écoute et d'attention de tous les instants est nécessaire envers ces jeunes en rupture. Travail qui aboutira dans certains cas à des confidences, à l'extériorisation de traumatismes qui sont autant de pistes de réflexions pour l'ensemble de l'équipe éducative.             
 
Dans un premier temps, assisté par l'ensemble des professionnels, je mets en place des activités ludiques et sportives. Tournois de football, de Carom board (sorte de billard local en bois), de ping-pong rythment une bonne partie des après-midi. L'essentiel étant de les motiver à rester au centre afin qu'ils soient le moins possible tentés par les vices de la rue. Nous insistons sur les notions de respect, de soin du matériel, d'hygiène qui font parties des premiers pas vers une réhabilitation sociale. 

 

Mon travail se prolonge le soir où, accompagné de deux éducateurs, je participe aux maraudes nocturnes de 20h à 22h. En effet, durant 2 heures, des quartiers de la capitale sont sillonnés à tour de rôle par deux éducateurs afin de repérer les nouveaux enfants, leur apporter les premiers soins, s'informer de la situation de chacun et tout simplement, leur faire connaître l'existence de l'organisation. Depuis plusieurs mois, bien souvent sous l'emprise de « la colle » et suite à une déception amoureuse ou un rituel de "bande" les jeunes se scarifient les membres à l'aide de lames de rasoir ou tout objet tranchant. Cela engendre des blessures importantes qu'il convient de soigner rapidement afin d'éviter les infections de toutes sortes. Durant la maraude, les éducateurs s'efforcent donc dans la limite de leurs compétences d'offrir aux enfants les soins adaptés. Bien souvent, plus qu'un simple pansement, le temps passé en individuel avec l'enfant et l'attention portée à son égard sont capitales en vue d'un accompagnement futur. 


Un samedi, j'ai egalement l'opportunité de participer à une sortie en bord de rivière dans la vallée de Katmandou avec tous les jeunes désireux d'y participer. Ils saisissent cette opportunité pour faire leur toilette et laver les quelques vêtements qu'ils ont en leur possession. Ce moment privilégié hors des murs de l'institution à définitivement contribué à mon intégration et j'ai pu, des lors, engager des discussions personnels avec les enfants autour de la vie dans la rue et des problématiques rencontrées par ces derniers.      
 
Je passe également plusieurs heures à échanger avec les professionnels en poste. Anciens jeunes de la rue, ils ont pour la plupart grandis à APC et connaissent parfaitement les rouages de l'organisation et les traumatismes que peut engendrer la vie dehors. Cela leur permet de comprendre les jeunes accueillis et d'appréhender leurs problématiques avec un regard objectif, fort de leur expérience de vie. De surcroît, ils peuvent également devenir un modèle pour les jeunes, l'illustration que tout est possible s'ils font preuve de persévérance et de volonté. Leurs témoignages m'aideront à comprendre certains comportements des jeunes pris entre le désir d'un toit et la volonté de rejoindre sa bande, son groupe d'appartenance autrement dit l'un des seuls repaires identitaires dont ils disposent.

 


Une nouvelle fois, l’accueil au sein de cette organisation m’a permis d’être très vite à mon aise aussi bien avec les jeunes que l’ensemble de l’équipe éducative. Apres avoir abordé le travail des enfants au Pérou, découvert l’accompagnement des mineurs atteints du VIH au Cambodge, l'expérimentation des actions entreprises avec les enfants des rues au Népal s'est révélée extrêmement intéressantes. 

Au cours de cette troisième immersion de 4 semaines dans un organisme socio-éducatif à l'étranger, je me suis donc attelé à apporter mon énergie et mon savoir-faire dans la mise en place des actions éducatives.

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